Le jeudi 8 mai 2025, un immeuble s’est effondré dans le quartier de Ngor, à Dakar. Le drame a coûté la vie à deux personnes, avec un blessé grave évacué en urgence. Ce nouvel incident relance une question brûlante : à quel point nos constructions sont-elles sûres au Sénégal ?
Alors que la ville s’étend à vive allure et que les immeubles se multiplient, la sécurité des bâtiments est devenue un enjeu de santé publique. Entre normes méconnues, chantiers sans encadrement technique et urbanisation incontrôlée, le danger guette partout. Que révèle vraiment ce drame de Ngor ? Et surtout : comment éviter qu’il ne se reproduise ?
Un drame, mais loin d’être un cas isolé
L’effondrement de l’immeuble de Ngor n’est malheureusement pas un événement inédit. Dakar et sa banlieue enregistrent chaque année plusieurs incidents de ce type, souvent médiatisés puis rapidement oubliés.
En juillet 2023, un bâtiment de trois étages s’effondrait à Yeumbeul.
En novembre 2022, c’était à Pikine, avec trois victimes.
En 2021, un immeuble en chantier à Rufisque s’écroulait, révélant de graves défaillances structurelles.
Ces effondrements, selon plusieurs rapports de la Direction de l’Urbanisme, ont souvent des causes similaires :
➡️ fondations inadaptées,
➡️ absence d’étude de sol,
➡️ non-respect des normes de charge,
➡️ ajouts sauvages d’étages sans renforcement.

Le secteur de la construction en surchauffe
Avec la pression foncière à Dakar, le besoin de logements pousse les propriétaires à construire plus haut, plus vite, parfois au mépris de toute logique technique. Résultat :
Des immeubles bâtis sans permis, ni supervision d’un ingénieur.
Des maçons laissés seuls pour concevoir la structure.
Des matériaux de mauvaise qualité, souvent achetés au rabais.
Ce que révèle le drame de Ngor, c’est la faille profonde entre urbanisation rapide et encadrement professionnel insuffisant. De nombreux chantiers échappent encore à tout contrôle, en particulier dans les zones périphériques.
Des règles claires… mais trop peu appliquées
Le Sénégal dispose pourtant d’un cadre réglementaire structuré pour encadrer la sécurité des constructions.
Voici les obligations principales :
📄 Permis de construire délivré par la mairie ou la Direction de l’Urbanisme
🧪 Étude géotechnique obligatoire pour les bâtiments R+2 et plus
🏛️ Plans signés par un architecte agréé (voir ODAS)
🔎 Supervision technique par un bureau d’études ou ingénieur civil
Ces règles existent. Mais dans la pratique :
Certaines communes manquent de moyens pour faire appliquer les sanctions.
Les propriétaires cherchent à éviter les coûts d’encadrement.
Les services techniques sont parfois dépassés par le nombre de dossiers.
À cela s’ajoute un vide de sensibilisation auprès des particuliers, qui ne mesurent pas les risques d’un chantier non encadré.

Ce que chacun peut (et doit) faire pour construire en sécurité
L’effondrement de Ngor doit servir de signal d’alerte. Voici les actions concrètes que tout porteur de projet doit mettre en œuvre pour garantir la sécurité de sa construction au Sénégal :
✔️ Faire réaliser une étude de sol
- Pour connaître la portance du terrain et choisir le bon type de fondation.
Tarif moyen : 500 000 à 1 000 000 FCFA.
✔️ Confier les plans à un architecte agréé
- Vérifiez son inscription sur odas.sn.
- L’architecte s’assure du respect des normes structurelles et parasismiques.
✔️ Ne jamais ajouter un étage sans étude
- Une surélévation modifie toute la structure.
- Un nouveau plan + autorisation municipale sont indispensables.
✔️ Utiliser des matériaux certifiés
- Privilégier les ciments Ciments du Sahel, Sococim, les fers normalisés.
- Éviter les sables de plage non lavés (trop salins).
✔️ Faire suivre le chantier par un professionnel
- Un bureau de contrôle ou ingénieur en bâtiment peut intervenir ponctuellement pour valider les étapes-clés : ferraillage, bétonnage, etc.
✔️ S’assurer
- Demander une assurance responsabilité décennale ou dommages-ouvrage via NSIA, Saham, Sonam.
- Cela protège en cas de vice caché ou effondrement.
Zoom : la responsabilité des autorités locales
Les communes ont un rôle clé à jouer. Elles doivent :
Délivrer (ou refuser) les permis de construire,
Vérifier les pièces techniques,
Mener des contrôles inopinés sur les chantiers,
Engager des poursuites en cas de mise en danger d’autrui.
Mais sans ressources humaines ni appui technique, les services municipaux ne peuvent pas tout surveiller. C’est pourquoi les citoyens doivent eux aussi devenir acteurs de la sécurité.
Construire, c’est protéger des vies
Le drame de Ngor n’est pas qu’un fait divers : il est le miroir d’un système à réformer en profondeur. Au Sénégal, construire sans rigueur technique peut avoir des conséquences irréversibles.
Chaque immeuble doit être un espace sûr, pas une menace.
👉 Que vous soyez un particulier, un membre de la diaspora, un promoteur ou une collectivité :
investissez dans la qualité, respectez les règles, exigez le suivi.
C’est ainsi que l’on bâtit un pays durable, solide, et digne de ses habitants.
Tout comprendre sur la sécurité des constructions au Sénégal
Oui. Toute construction, même sur un terrain privé, nécessite un permis de construire délivré par la commune ou la Direction de l’Urbanisme. Construire sans autorisation vous expose à des sanctions, voire à la démolition de l’ouvrage.
Sans étude géotechnique, vous ignorez la portance du sol, ce qui peut entraîner des fondations inadaptées, des affaissements, voire un effondrement. C’est l’une des principales causes des sinistres observés ces dernières années.
Un architecte professionnel doit être inscrit à l’Ordre des Architectes du Sénégal (ODAS). Vous pouvez vérifier son nom sur le site officiel.
Non. Tout ajout d’étage modifie la structure du bâtiment. Vous devez faire une étude de renforcement, déposer un nouveau permis de construire, et valider les modifications avec un ingénieur ou architecte.
Évitez le sable de plage non lavé, les fers à béton non normés, et les ciments vendus en vrac sans étiquetage. Ils affaiblissent la structure et accélèrent la dégradation des murs et planchers.
Oui. De nombreux architectes et bureaux d’études proposent un suivi digitalisé avec rapports photos, vidéos, et validation à distance. C’est très utilisé par la diaspora.
Oui. Des assurances comme la responsabilité décennale ou dommages-ouvrage existent au Sénégal. Elles sont proposées par des compagnies comme NSIA, Saham ou Sonam. Elles couvrent les défauts structurels pendant 10 ans après la construction.